Rencontre avec des loups – Jean-Baptiste Chauvin Photographe
RENCONTRE AVEC DES LOUPS
Depuis mon jeune âge je nourris un intérêt marqué pour les animaux et notamment le loup (canis lupus). Partout où je voyage en France et dans le monde, je pose aux personnes locales des questions concernant le loup et sa présence sur le territoire. Cet article propose un aperçu du loup gris et sa présence sur le territoire français ainsi que le récit de deux rencontres exceptionnelles avec le canidé.
UN ANIMAL FASCINANT – RENCONTRE AVEC DES LOUPS
L’Homme depuis toujours est fasciné par le loup. Il est présent dans notre vie dès nos premières années, dans de nombreux contes et histoires pour enfants, représenté la plupart du temps comme un animal cruel et dangereux. Récemment réapparu en France depuis son éradication vers 1920, on compte aujourd’hui plus de 500 loups en France répartis en une soixantaine de meutes ainsi que quelques loups solitaires (chiffre donnés à l’hiver 2019).
Le loup n’est surement pas passé loin de chez vous. Peut être verrez vous bientôt un loup en vous promenant dans un bois? Les chances restent minimes car l’animal est très discret et ne se laisse pas facilement repérer par l’homme. Cependant jetez un oeil à l’image ci-dessous…
Des données récupérées sur le site de l’observatoire national du loup ont permis de réaliser ces deux cartes qui mettent en évidence une répartition vaste sur le territoire et surtout une progression très rapide.
CARTE DE RÉPARTITION DU LOUP
La carte de 2019 regroupe des informations datant du 19 mars 2019, celle de 2020 est une mise à jour du 29 mars 2020. Source : observatoire national du loup.
IMPACT SUR LA NATURE
D’une manière générale, en France et dans le reste du monde, le loup est rarement aperçu dans son milieu naturel. Situé au sommet de la chaine alimentaire, il joue un rôle très important dans l’équilibre de la faune et de la flore sauvages. Nous savons que le loup tue différentes espèces animales, mais nous sommes peut être moins conscients qu’il apporte la vie à de nombreuses autres espèces, animales et végétales.
Je vous propose ci-dessous une vidéo qui présente l’impact qu’a eu la réintroduction du loup dans le parc de Yellow Stone après 70 ans de disparition. L’effet est juste spectaculaire!
-rencontre avec des loups-
SITUATION DANS LES ALPES
La plupart des brebis que l’on peut voir en été dans les montagnes ne sont pas celles des petits éleveurs locaux. Elles sont majoritairement celles des éleveurs du sud qui envoient leur brebis dans les montagnes dans des « bétaillères » géantes.
Certains troupeaux se trouvent parfois dans des zones très protégées, théoriquement vouées à la protection de la nature comme les parcs nationaux comme celui des Écrins ou celui du Mercantour qui accueillent chaque été de 100 000 à 150 000 brebis. Cette arrivée massive qui n’est pas sans causer des problèmes écologiques (sur-pâturage, piétinements, déjections, médicaments donnés aux moutons etc…). Par ailleurs, cette présence génère une concurrence avec les herbivores sauvages qui sont voués théoriquement à protéger la nature dans ces zones où les activités humaines sont extrêmement réglementées.
LES AIDES AUX BERGERS
Les chiens de protection font partie des mesures subventionnées. L’argent publique paye à près de 100% pour les éleveurs l’acquisition de ces chiens, leur nourritures, la rénovation des cabanes pastorales, les clotures pour protéger les moutons, les radios de communication en montagne pour que les bergers puissent communiquer.
Les salaires de la plupart de ces bergers sont eux aussi subventionnés. En effet, l’immense majorité des bergers qui sont présents dans les Alpes françaises là où il y a des loups, le sont parce qu’il y a des loups. Ainsi, du fait de la présence du loup, de l’argent publique subventionne aux éleveurs propriétaires des troupeaux, le travail de ces bergers.
On observe depuis le retour des loups en France une recrudescence du nombre de bergers dans les montagnes. Le retour des loups, c’est en fait le retour des bergers qui sans loups n’auraient pas de travail parce que les éleveurs n’auraient financièrement pas la possibilité de payer le salaire des bergers.
LES ATTAQUES DE LOUPS
De 10000 à 12000 ovins sont tués chaque années en France par de « possibles » loups. Ce chiffre englobe à la fois les animaux tués par des loups avec certitude et aussi ce pour lesquels on n’est pas certain car quand on est pas certains, on range ça dans la case « loup possible ».
Pour tous ces animaux les éleveurs sont indemnisés, ce qui n’est pas le cas pour les autres causes de mortalité. Il existe de nombreuses causes de mortalité qui font que pour un ovin tué par un possible loup, il y en a environ 10 qui meurent pour d’autres causes en montagne et pour lesquelles, les éleveurs ne sont pas indemnisés (les maladies, les chutes dans les alpages, les dérochement sans rapport avec la prédation les pertes diverses…).
Beaucoup de mortalité est imputé par de possibles loups alors qu’on ne compte environ que 500 loups en France. Avec étonnement, on peut constater que la mortalité infligée par le loup est beaucoup plus élevée en France que dans presque tous les autres pays européens.
Proportionnellement au nombre de loups, les autres pays européens ont beaucoup moins de mortalité sur les troupeaux alors même que la France est le pays dans lequel on donne quasiment le plus d’argent, le plus d’aides, le plus de subventions et d’indemnisations aux éleveurs pour les protéger et les aider à s’adapter à la présence du loup.
Les chiffres ci-dessous illustrent bien cette différence :
RATIO PERTE BÉTAIL / LOUP
France – 6195 pertes pour 275 loups, Espagne – 6800 pertes pour 2000 loups, Italie – 3000 pertes pour 1500 loups)Allemagne – 200 pertes pour 160 loups. Chiffres datant de 2014 – Source ferus.fr
Il y a donc un problème évident que les services de l’État pointent régulièrement, puisque les éleveurs français sont à la fois plus subventionnés que les autres pour s’adapter contre la présence du loup et à la fois arrivent moins bien à protéger leur moutons de la présence du loup.
PROTECTION DES TROUPEAUX
Une minorité des troupeaux concentrent un majorité de la prédation par des loups en France. Il est bien sur très difficile de bien protéger un troupeau contre les loups, mais force est de constater que la plupart des éleveurs et des bergers n’ont que très peu d’attaques.
Dans certains cas, il y a énormément d’attaques, soit parce qu’il y a des mesures déficientes, soit parce que le terrain n’est peut être pas toujours adapté.
On protège les troupeaux entre autre (plus d’infos sur l’ensemble des mesures de protections du loup) par des tirs effectués par des louvetiers qui sont des chasseurs bénévoles n’ayant pas de compétences particulières sur la connaissance de la faune ou de l’écologie. Ils ont simplement leur permis de chasse comme tout chasseur mais ils sont mandatés par la préfecture notamment pour tirer sur des loups.
Ces tirs n’ont bien sûr pas vocation de protéger le troupeau de brebis de la prédation par des loups mais de tuer des loups. Sans surprise, une fois le loup mort, rien n’empêche d’autres loups de venir s’en prendre au troupeau, dès lors que le troupeaux n’est pas suffisamment protégé. On est donc pas dans une politique d’empêcher les loups d’atteindre les moutons, on est dans une politique de tirer sur des loups.
Il y aurait beaucoup de travail d’ingénierie à effectuer pour faire en sorte que les loups ne puissent pas s’en prendre à des moutons mais on reste malheureusement pour l’instant sur une politique par le tir sui ne fonctionne pas.
REGLEMENTATION
La régulation des populations de loups est interdite au niveau européen puisque l’espèce est classée « strictement protégée ». Les États ont seulement en théorie le droit d’autoriser des dérogations ponctuelles, lorsque tout a été fait pour tenter d’éviter le tir sur cet espèce protégée.
La France outre passe ces recommandations puisqu’elle met en oeuvre une politique de régulation de population avec une chasse qui se fait toute l’année de jour comme de nuit, à l’aide d’instruments et de caméras thermiques qui n’ont pas le droit d’être utilisées pour la chasse d’autres animaux.
Le loup n’est pas un animal « sur-protégé » contrairement à ce qu’on peut entendre puisque tous les éleveurs et bergers qui en font la demande peuvent avoir le droit d’abattre des loups et que des milliers de chasseurs ordinaires ont le droit d’abattre des loups dans le sud est de la France et ce dans des conditions beaucoup plus permissives que pour toutes les autres espèces chassables (alors que le loup n’est théoriquement pas chasuble mais une espèce protégée).
Merci beaucoup à Pierre Rigaux pour son étude de la situation du loup en France
et sa vidéo réalisée suite à l’interview d’un berger par BRUT que vous pouvez visionner ci-dessous :
RENCONTRE DU LOUP EN TAÏGA
Mon intérêt pour le loup m’a poussé à consulter presque tous les documentaires à son sujet présents sur la toile. Lors du visionnage d’une de ces vidéos, j’ai fait la rencontre de Laetitia Becker. Cette jeune biologiste française travaillait dans un centre de réhabilitation de louveteaux orphelins en Taïga russe, aux côtés de Vladimir Bologov, grand spécialiste du loup. Cette organisation, soutenu par IFAW, permettait à des bénévoles de venir y travailler. Vika et moi avons donc décidé de nous y rendre en temps que bénévoles pour quelques semaines en novembre 2013. Voici notre première rencontre avec des loups.
Le centre appelé « Bio-Station » était situé dans un hameau perdu dans la forêt à 500km de Moscou, appelé « Чисти Лес » [Tchisty Lyéc] qui signifie littéralement : forêt propre. Nous étions donc plongés dans le dépaysement le plus total, isolés du monde, à 50km de la première route goudronnée.
En Russie, le loup est considéré comme un animal nuisible. Une prime est remise par les autorités à celui qui tue le canidé. Une des missions de ce centre était l’accueil et la réhabilitation au milieu naturel de jeunes louveteaux.
Pour synthétiser, le centre récupérait des louveteaux souvent nés dans des zoos, ou recueillis par des chasseurs. Il les isolait ensuite dans un large enclos loins des maisons pour ne pas les accoutumer à la présence de l’homme. Les loups restaient jusqu’à l’âge d’un an dans ces enclos puis étaient finalement « libérés » au printemps et démarraient ainsi leur vie sauvage.
La Bio-Station disposait de 3 larges enclos où séjournaient les loups. Chacun étant situé de 2 à 5km dans les bois, tous bien isolés de l’humain.
Notre mission était principalement de restaurer les enclos et de nourrir les loups. Pendant notre séjour, 2 enclos accueillaient chacun quelques loups d’environ 6 mois. Les louveteaux étaient jeunes mais déjà grands et habillés d’une large et épaisse fourrure.
A plusieurs reprises nous sommes allés nourrir les louveteaux. Farouches de nature, ils gardaient toujours une distance avec nous et fuyaient dès qu’on tentait de les approcher. Seuls, enfermés dans l’enclos avec eux et malgré le fait de leur être étranger, nous nous sentions en parfaite sécurité, voir même protégés.
Leur nourriture était principalement composée d’abats provenants des marchés des alentours et de quelques fruits. Nous arrivions à réduire la distance avec eux en déposant la nourriture au sol puis en nous éloignant de quelques mètres pour les laisser s’approcher.
Ces quelques visites étaient chargées d’émotions. Nous attentions parfois de longs moments, dans le silence, à les observer se déplacer.
Sans réseau, privés d’internet, nous avons passé de nombreuses soirées plongés dans l’ambiance d’un feu de cheminée à boire du thé et parler du loup. Notre hôte, Vladimir Bologov, était auparavant chasseur et bénéficiait d’une grande connaissance de la nature et du monde de la forêt. Après le dîner, nous partagions ensemble de longs moments où il répondait à chacune de nos nombreuses questions. Il nous racontait beaucoup de ses histoires et ses récits étaient passionnants. Nous avons appris beaucoup à ses côtés et avons vécu une aventure inoubliable.
Merci!
RENCONTRE DU LOUP EN NORVÈGE
Lors d’un récent voyage en Norvège (février 2019), nous avons eux la chance exceptionnelle d’approcher Canis Lupus d’encore plus près. A cette période, au dessus du cercle polaire, l’épais manteau neigeux offre des paysages incroyables. Le loup dans cet environnement, habillé de son épaisse fourrure, ne ressort que plus majestueux.
C’est à l’occasion de la préparation de notre voyage en Norvège que nous avons découvert qu’un parc animalier, près de Tromsø, permet d’être en contact avec une meute de loups gris. Le Polar-Park est le parc animalier le plus au nord du globe et accueille des visiteurs toute l’année. Le parc présente entre autre les grands mammifères de Norvège (cerfs, rennes, élans, boeuf musqué, lynx, ours et loups).
Une visite spéciale offre au visiteur la possibilité d’être en contact avec le loup.
Avant d’entrer en contact avec les animaux, des mesures de sécurité sont clairement énoncées. Lorsque le loup arrive, il faut d’abord rester debout et ne pas le toucher. Ce n’est qu’une fois à son niveau, un genou à terre, que l’on peut le caresser (jamais sur le dessus de la tête). La hauteur donnant ainsi une signe d’égalité et tout signe de domination est écarté.
On nous a raconté que l’an passé, une femme en glissant avait fait un mouvement brusque et 4 loups agités l’on tiré par les quatre membres à des dizaines de mètres sur une pente enneigée. La femme était en éclat de rire lorsque c’est arrivé et n’a pas été blessée.
Un Professeur qui dirige le programme nous ont dit que cet épisode ne l’avait pas rassuré et qu’il ne savait pas vraiment si les loups jouaient ou défendaient leur territoire. On vous rappelle donc notamment pendant le brief, qu’un bon contrôle de sa gestuelle est nécessaire et que les gestes brutaux sont à bannir.
En nous rendant sur leur territoire, les loups viennent nous accueillir en nous léchant le visage et en nous sautant dessus. On nous annonce notamment que la gueule du loup est bien plus propre que la bouche d’un humain.
Les loups se présentent à nous à tour de rôle. Leur taille est imposante.
Une fois que le couple alpha (couple dominant de la meute) à terminé sa visite et une fois éloigné seulement, les autres loups sont « autorisés » à venir nous approcher. Un peu plus tard, les loups sont ensemble et mélangés autour de nous. Bien que leurs fourrures nous semblent identiques, les signes de domination sont très clairs et on distingue rapidement le couple alpha du reste de la meute.
Cette expérience aura comblé une grande envie de pouvoir approcher et rencontrer cet animal. Merci au Polar-Park pour son accueil et pour le partage de cette superbe expérience.
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Rencontre avec des loups – Jean-Baptiste Chauvin Photographe